Conférence inaugurale d'Agnès Crepet et Isabelle Huynh lors de la 1ère Journée du Libre Éducatif à l'ENS Lyon le 1er avril 2022.
Alexis Kauffmann : Je suis ravi et honoré d’accueillir pour cette conférence inaugurale Agnès Crepet qui a un magnifique titre, que j’adore, directrice de la longévité logicielle chez Fairphone et Isabelle Huynh ingénieur et professeur à l’INSA.
[Applaudissements]
Le Libre, catalyseur de projets responsables
Agnès Crepet : Je vais me présenter. Alexis, tu as commencé à présenter mon rôle chez Fairphone. Effectivement, je suis en charge de la longévité logicielle. C’est vrai que ça détonne un peu. Je vous parlerai de Fairphone un peu plus longuement dans cette présentation, l’objectif de Fairphone c’est de faire des choses qui durent, mais je vais essayer de ne pas vous parler que de Fairphone. Alexis, quand tu m’as invitée pour cette journée, je n’avais pas envie de focaliser que sur Fairphone. L’objectif c’est qu’on puisse vous expliquer comment le Libre, qui a été utilisé sur un projet comme Fairphone, peut être à l’origine de projets comme celui-là.
J’ai également cofondé, il y a une dizaine d’années, une société qui s’appelle Ninja Squad, qui est une boîte où nous ne sommes que quatre en statut SCOP [Société coopérative de production], de type SCOP. On fait beaucoup d’open source. Nous sommes quatre personnes qui faisons du développement logiciel. Je fais aussi partie de Duchess France, une association qui travaille sur la visibilité des femmes qui font de la technique dans l’informatique. J’ai également cofondé l’association MiXiT, c’est à Lyon ; j’invite celles et ceux qui sont de Lyon à rejoindre cette conférence, conférence d’informatique, dont le focus est de parler d’éthique dans la tech. Donc on a principalement des développeuses et des développeurs, on veut essayer de montrer qu’on fait un métier technique, mais qu’il ne faut pas ailleurs des œillères, si on bosse pour Thales on bosse pour Thales. Donc on essaye vraiment d’ouvrir les développeurs et développeuses aux perspectives sociales et environnementales. J’ai également cofondé, il y a une vingtaine d’années, un média participatif sur Saint-Étienne qui s’appelle Le Numéro Zéro. Sur Lyon, il y a son pendant qui s’appelle Rebellyon. Les outils du Libre ont fortement contribué à monter ce genre de projets.
Je laisse la parole à Isabelle.
Isabelle Huynh : On a fait en sorte que ce ne soit pas simple pour vous, on a échangé les côtés par rapport à nos logos, mais je pense que vous arriverez à faire la différence.
De mon côté, j’ai un peu fait une boucle avec l’INSA [Institut National des Sciences Appliquées]. Je suis sortie de l’INSA en tant qu’ingénieure mécanique. Je travaillais en tant qu’ingénieure mécanique et est arrivé assez violemment la question du sens par rapport aux enjeux écologiques, aux enjeux sociaux. C’est là que j’ai quitté mon job pour fonder mon premier projet qui s’appelle La CLAVette, avec cette question : qu’est-ce que faire de l’ingénierie qui soit positive, plus respectueuse de l’environnement, qui essaye de travailler sur des sujets sociaux ?, et avec la question du collaboratif qui va beaucoup nous intéresser aujourd’hui. Ce projet m’a amenée à un autre projet qu’on a fondé depuis 2019 avec des copains principalement d’Anciela à Lyon, qui s’appelle l’Institut Transitions. Notre objectif est d’aider les personnes qui cherchent à se reconvertir pour des métiers plus alignés avec la transition écologique et solidaire. Ce sont des programmes qu’on fait en un an pour aider des professionnels à aller là-dedans, même si maintenant je suis à mi-temps à l’INSA et que j’aime bien mettre les petites graines pour que les étudiants deviennent un jour des ingénieurs responsables, on a aussi besoin de personnes qui puissent rapidement rentrer dans la transition écologique et solidaire pour travailler sur les grands enjeux du moment.
C’est vraiment cet angle qu’on va prendre avec Agnès, dire comment le Libre peut aider à travailler sur des projets responsables ? En quoi c‘est intéressant, ce n’est pas le libre pour le Libre. L’idée c’est vraiment de vous faire une conférence avec une petite vitrine de projets, bien sûr l’étude du cas de Fairphone en premier lieu. Vous montrer des choses inspirantes.
Étude de cas : Un autre smartphone est-il possible ?
Agnès Crepet : Je vais commencer par vous parler de Fairphone.
Première question : qui connaît Fairphone ? Alors là, il faut que je prenne une photo pour mes collègues, parce que d’habitude on est à 5/6 % de gens qui connaissent Fairphone. Je ne dénigre pas le projet, j’en fais partie depuis quatre ans, c’est un super projet, mais c’est vrai que c’est encore peu connu, notamment en France. Je vais essayer de vous le présenter aujourd’hui.
Le but de Fairphone n’est pas de faire un téléphone chouette et d’en vendre plein. Point. Le but de Fairphone c’est vraiment de changer l’industrie électronique. C’est de pouvoir forcer les autres fabricants de téléphones à acter de manière plus responsable, à faire des téléphones durables et surtout à respecter aussi les gens qui fabriquent les téléphones. C’est ce dont je vais vous parler un petit peu aujourd’hui.
On applique notre théorie du changement qui consiste à dire qu’on essaye de travailler sur la prise de conscience, on essaye de faire en sorte que les gens prennent conscience des problématiques derrière l’industrie électronique et elles sont nombreuses, j’en parlerai aussi un petit peu. On veut montrer que c’est possible dans un téléphone. Je vous expliquerai qu’à un moment donné c’est important de faire partie du marché sinon on n’est pas vraiment crédible, du moins dans le monde de l’industrie électronique. Ensuite on veut motiver l’industrie à changer.
À la base, Fairphone ce n’est pas une start-up incubée dans l’équivalent de la French Tech, c’est vraiment une campagne de sensibilisation aux minerais dits de conflit. Il y a officiellement quatre minerais de conflit : le tantale, l’étain, le tungstène et l’or, officieusement il y en a plus. En 2010, des personnes du Congo et des personnes d’Amsterdam essayent de promouvoir une campagne de sensibilisation sur ces minerais-là en disant « vous avez un téléphone dans la poche qui contient du sang ». Grosso modo, quand vous extrayez du tungstène au Congo, ça génère des conflits armés.
À la base c‘est parti de là, cette campagne de sensibilisation a duré à peu près deux/trois ans. L’objectif c’était vraiment d’arriver aussi à pousser cette démarche, je ne pourrai pas en parler aujourd’hui mais c’est une chose à laquelle je tiens beaucoup chez Fairphone, la démarche de décolonisation du numérique. Aujourd’hui dans tout ce qui est relatif à la croissance verte, on focalise beaucoup sur des problématiques environnementales en disant « faites de l’éolien – je ne suis pas contre l’éolien – et du photovoltaïque, ect., c’est super, ça va sauver la planète ». Ouais ! Ça va sauver la planète, sauf que ça s’appuie sur des extractions de minerais qui ne sauvent pas les gens qui bossent dans les mines au Congo. Je passe rapidement là-dessus, mais c’est quand même une des origines très forte de Fairphone.
Au bout de deux ans de campagne de sensibilisation, les gens qui sont à l’origine du projet se rendent compte que ça traîne un peu, ce n’est pas très efficace, du coup ils lancent une campagne de crowdfunding en disant aux gens « on va faire un téléphone, on va montrer que c’est possible de le faire en intégrant des minerais qui ne financent pas les conflits armés ». C’est une des campagnes de crowdfunding qui a été le plus à succès en Europe sur les dix dernières années. Ils et elles se retrouvent avec à peu près trois millions sur leur compte en banque pour faire un téléphone, mais ils ne savaient pas faire un téléphone. Le fondateur fait un burn-out en disant « mince, il va falloir que je livre quelque chose ! ». C’est vraiment l’origine de Fairphone. À la base ce ne sont pas entrepreneurs, ce ne sont même pas des ingénieurs. Je dis souvent que si ça avait des gens comme Isa et moi, en tout comme moi, je ne suis pas sûre que le projet serait né parce que c’est quand même assez complexe de faire un téléphone. À la base ce sont vraiment des activistes, ce sont plus des activistes.
Ce téléphone met du temps à arriver, mais, en 2013, on a un premier téléphone qui sort.
Un petit mot sur où ça a été incubé. J’ai habité trois ans à Amsterdam, je suis rentrée cet été, je travaille à distance pour Fairphone. La spécificité d’Amsterdam c’est qu’il y a beaucoup d’organismes publics, des incubateurs comme La Waag. La Waag a à peu près 30 ans, c’est ultra connu, ça occupe un espace du château que vous voyez ici sur la photo, en plein Quartier Rouge d’Amsterdam, c’est énorme, c’est connu, c’est financé par de l’argent public. Vous voyez les taglines de cet incubateur : « On peut faire de la technologie de manière plus open, plus équitable et plus inclusive ». C‘est quand même loin de la French Tech ! Cet incubateur, qui est énorme aux Pays-Bas, c’est son motto, c’est ce qu’ils défendent comme projet. Fairphone a été incubé là-bas, par ces gens-là, et a eu énormément d’aides pour démarrer. Je fais un clin d’œil là-dessus parce que parfois, pour que des projets qui émanent du Libre arrivent à avoir une certaine résonance, il faut des gens comme ça. Je ne suis pas anti French Tech mais pas loin. La problématique aujourd’hui et je pense que ça va vous parler si vous pensez à l’EdTech, etc., c’est que le côté éthique, open, voire responsable et inclusif, n’est pas du tout dans les objectifs des financements de la Start-up Nation. On parle des 26 licornes, mais on ne parle pas forcément de l’aspect éthique, voire ouvert de ces start-ups. Donc un petit coup de pub pour La Waag qui est un organisme public et c’est là que Fairphone est né.
Plusieurs téléphones sortis en dix ans. Évidemment il n’y en a pas 15, il y a, on va dire, quatre gros modèles, Fairphone 3 ayant eu deux variantes, mais, grosso modo, on ne sort que quatre téléphones parce que l’objectif c’est de faire un téléphone qui dure.
Et pourquoi un téléphone ? Là ce sont des chiffres qui commencent à être plus connus en France grâce des structures comme l’Ademe, GreenIT, etc. : quand vous regardez les émissions de gaz à effet de serre et les coûts environnementaux autour du numérique, à peu près 84 % sont dus à la production des appareils, que ce soit des ordinateurs, des téléphones portables, etc., je parle de la France, et seulement 16 %, c’est déjà beaucoup, liés aux datacenters, à l’infrastructure réseau, etc., donc ça vaut le coup de regarder et de s’intéresser aux téléphones.
Tout à l’heure, Denis, quand tu es venu sur scène, j’ai vu que tu as un portable un peu cassé. Mais c’est bien !, garde-le ton téléphone cassé ! Il faut mieux garder son téléphone que le jeter parce que, en moyenne, vous êtes à deux ans de durée de vie sur un téléphone. Pourquoi ? Parce que souvent tout le monde n’est pas comme Denis, tout le monde ne garde pas son téléphone quand il est cassé, quand l’écran est cassé, et c’est fortement dommage parce que ça produit beaucoup de dégâts dont je vais vous parler maintenant.
Seulement 20 %, et encore, c’est même plus bas que ça, c’est 17,4 %, sont recyclés et ça produit des déchets énormes, on parle actuellement de 50 millions de tonnes de déchets électroniques par an.
Que fait Fairphone ? Notre objectif c’est de nous focaliser sur quatre aspects.
Ce qui concerne le fair sourcing, le fait d’avoir des matériaux qui sont sourcés de manière équitable, c’est évidemment à la base de notre histoire, donc on fait toujours ça. Je vais vous en parler un petit peu.
On veut aussi faire en sorte d’améliorer la supply chain, la chaîne d’approvisionnement jusqu’en Chine. On est toujours là où ça se passe mal, on reste en Chine pour pouvoir améliorer les conditions de travail des ouvrières et ouvriers là-bas. Je parle d’ouvrières plus que d’ouvriers puisque c’est à peu près 80 % de la ligne de production en Chine, classiquement, des femmes. On veut faire en sorte d’améliorer leurs conditions de travail.
On travaille sur la longévité. Ce qui saute aux yeux quand vous regardez un Fairphone c’est qu’il est modulaire, vous pouvez le démonter et le réparer vous-même.
Et évidemment qu’on travaille tout ce qui est réutilisation et recyclage.
Sur la partie fair sourcing, qu’est-ce qu’on fait ? Il faut savoir que dans un téléphone on a à peu près 50 minerais qui sont utilisés et, pour extraire ces minerais, classiquement, on est sur une industrie qui est très polluante. Ce sont des photos qu’on a prises en RDC, en République démocratique du Congo. Vous avez l’impression de voir un magnifique lagon bleu au fond de ce trou là-bas. Non ! C’est de l’acide et c’est nécessaire justement pour extraire, raffiner le cuivre, là on est dans une mine de cuivre. Quand vous êtes en dehors de cette mine, vous voyez plein de camions, comme ça, qui circulent et c’est de l’acide. Vous imaginez bien que l’acide envahit les nappes phréatiques, etc., et met à mal la condition de vie des gens.
Vous avez deux types de mines, les mines dites industrielles et artisanales. Dans les mines industrielles, en général, il n’y a pas d’enfants, etc. Dans les mines artisanales il y a énormément d’enfants, énormément de conditions de travail dangereuses. Ce sont des photos qu’on a prises aussi en RDC, des personnes qui travaillent sans être vraiment équipées, des trous très dangereux où il y a beaucoup d’éboulements et évidemment beaucoup d’enfants. En RDC, on est à peu près à 255 000 personnes qui travaillent dans les mines artisanales et, dans ces 255 000, au sens de mineurs on est à peu près à 40 000 enfants qui bossent. Et, je l’ai dit tout à l’heure, beaucoup de conflits armés, beaucoup de mafias. En RDC il y a à peu près une centaine de groupes armés reconnus qui tiennent notamment les mines, donc très compliqué pour les gens d’arriver à être indépendants.
Chez Fairphone, sur les 50 on n’a pas 50 minerais fair, on travaille actuellement sur 14 minerais et matières et, sur chaque matière première, on essaye de cleaner la supply chain, on essaye de faire en sorte qu’il n’y ait pas d’enfants, mais s’il n’y a pas d’enfants qu’il y ait une vraie alternative pour les familles en termes de revenus. Ça prend des années pour arriver à cleaner une chaîne d’approvisionnement sur un métal. Le cobalt, par exemple, nous a pris trois ans.
On fait la même chose sur les usines. Je pense que les usines c’est un peu plus connu que les mines, quoique ! Il y a quelques années, même plus de dix ans maintenant, plusieurs articles sont sortis dans la presse sur Foxconn, le plus gros assembleur de téléphones en Chine, qui assemble les téléphones comme Apple, Sony, etc. Foxconn s’est fait connaître pour quelque chose d’un peu triste : des ouvriers/ouvrières de l’usine s’étaient mis sur le toit de l’usine, ils étaient 26, ils se sont jetés du toit, ils ont fait un suicide collectif. Pourquoi ? Pour dénoncer les conditions de travail des gens dans ces usines.
Foxconn c’est 1,3 millions d’employés, première boîte exportatrice en Chine, donc c’est énorme, et les conditions de travail sont toujours assez déplorables.
Ça c’est un autre article plus récent : des grands enfants, jeunes ados – vous le prenez comme vous voulez – ont été repérés dans les usines, ils avaient embauché plein de gamins pour être à l’heure pour sortir un des derniers iPhones. Si le sujet vous intéresse, je conseille ce bouquin qui a été traduit chez Agone, La machine est ton seigneur et ton maître. C’est une traduction d’écrits de personnes qui bossent sur les chaînes de production Foxconn.
On essaye, chez Fairphone, de faire quelque chose de compliqué parce que la notion de syndicat n’existe pas vraiment en Chine. Quand on bosse avec une usine, dans notre cas il y a des charges, il y a le fait qu’elle nous ouvre ses portes et qu’on bosse avec les travailleurs, travailleuses, pour définir ce que peuvent être des bonnes conditions de travail. On ne veut pas avoir notre point de vue d’occidentaux en disant « on pense que ces personnes bossent trop, il faudrait qu’elles bossent moins ». Non ! On co-définit ça avec elles, avec ces personnes-là, parce qu’on se rend souvent compte que la problématique ce n’est pas la quantité d’heures, la première problématique c’est l’argent. Les gens veulent être mieux payés. Les gens vous disent souvent « je bosse beaucoup parce que je ne suis pas payé correctement ». Donc on a tout un accent sur le living wage ; living wage veut dire, en gros, « revenu décent ». On ne veut pas se contenter de payer les gens au revenu minimum mais au revenu décent, donc tout un tas de programmes pour augmenter les salaires des gens. Et, grosso modo, entre 2019 et 2021, évidemment qu’on a essayé de s’améliorer et de payer des bonus qui correspondent à environ deux à trois salaires mensuels sur un an.
Je dis souvent que pour arriver à payer les gens convenablement ça ne nous a coûté que 1,85 dollar par téléphone. Pourquoi on le dit ? Pour essayer de pousser les autres à faire pareil. Quand vous avez, dans votre poche, un téléphone qui vaut six/sept cents euros, potentiellement vous imaginez ce que vous pourriez, ce que la boîte qui est derrière ce téléphone-là pourrait payer les personnes en usine.
Isabelle Huynh : Pour l’anecdote, quand même, ce qu’ont fait pas mal d’entreprises pour justement essayer de lutter contre les suicides qu’il y avait, c’était de mettre des filets aux fenêtres. Mettre concrètement des filets pour que si jamais les personnes tentent de se suicider, au moins ça n’arrive pas jusqu’au bout. C’est quand même une proposition un peu plus intéressante chez Fairphone.
Agnès Crepet : Oui. Tout à fait.
On aimerait bosser avec Foxconn un jour. On a essayé de bosser avec eux sur le Fairphone 3. Justement c’est bien là où il faut être, sur des boîtes comme ça où la stratégie, pour essayer que les gens ne se suicident plus, c’est mettre des filets.
Le troisième axe de Fairphone c’est la réutilisation et le recyclage. Aujourd’hui on a à peu près, en Europe, 700 millions de téléphones qui traînent dans vos tiroirs. C’est à peu près trois fois le nombre de téléphones vendus, c’est une vraie problématique. La problématique du recyclage c’est qu’il se fait peu de manière convenable. Quand nous vendons un téléphone, ou quand n’importe quel fabricant de téléphone vend un téléphone, on n‘a que les fameux moins de 20 %, 17,4 % des téléphones qui sont convenablement recyclés, recyclés dans des conditions de travail pour les gens qui sont convenables et recyclés de manière efficiente, parce que ce n’est pas facile de recycler un téléphone, le démonter, etc., sinon on ne sait pas ce qui se passe. On ne sait pas ce qui se passe pour 54,6 % et ça peut être, typiquement, ces fameux téléphones qui restent dans vos tiroirs.
On sait que 20 % sont illégalement exportés, je vais vous en parler juste après. Un peu moins de 10 %, 8 %, sont jetés tout simplement dans les poubelles classiques, je ne vous conseille pas de faire ça. La grosse problématique du recyclage informel, non officiel, ou alors des 54 % qui correspondent à ces appareils électroniques dont ne sait pas ce qu’ils deviennent, bien souvent ça atterrit là, dans la chaîne de recyclage informel. Là on est sur des images à Agbogbloshie, à côté de la capitale du Ghana, qui est une des plus grosses décharges de déchets électroniques au monde avec une autre qui est en Chine ; elle est en train d’être fermée, mais elle continue encore d’exister. La problématique c’est que, rebelote, comment se passe le travail là-bas ? Il y a du recyclage, mais il est informel, donc beaucoup d’enfants, beaucoup de conditions de travail très problématiques, des émissions toxiques parce que souvent les gens brûlent le plastique sur les câbles pour récupérer le cuivre, etc., beaucoup de pollution des eaux, pollution des sols, etc.
On dit souvent chez Fairphone que le recyclage c’est bien, mais avant il y a tout un tas de trucs qu’il faut faire, notamment essayer de garder son téléphone plus longtemps, essayer de le réparer, essayer de réutiliser les composants du téléphone, etc. Donc on a des programmes de recyclage de téléphones. Si vous avez des vieux Samsung chez vous, envoyez-les chez nous, on les recyclera comme il faut. On a avec le Ghana, depuis maintenant sept ans, un programme justement de Take Back. C’est un peu triste en termes de coût de transport, c’est le seul truc où on n’arrive pas à être sur place. Tout à l’heure je vous ai dit qu’on veut être là où ça se passe mal, en Chine, etc. Ce n’est pas vrai sur le recyclage, on n’arrive pas à rester au Ghana. Ça veut dire que pour les programmes de Take Back, de collecte, on prend les téléphones au Ghana avec une association qui est sur place et on les rapatrie en Belgique pour les recycler de manière convenable, parce qu’on sait que ça se passe mal là-bas. C’est tout un programme qu’on a au Ghana depuis sept/huit ans.
Le dernier aspect important chez Fairphone, et c’est là que je fais un lien avec l’open source, c’est le fait qu’on veut faire en sorte que les gens gardent leur téléphone longtemps. Pour ce faire, on a une modularité du téléphone. La modularité c’est chouette déjà pour le recyclage, un téléphone modulaire se recycle plus facilement, mais la modularité c’est chouette aussi pour la réparabilité. Si vous cassez l’écran, si Denis avait un Fairphone, eh bien il rachète un écran sur notre site web et il peut le changer lui-même. Ma fameuse tante Ginette qui habite Yssingeaux, je la cite tout le temps, elle est toujours très fière quand je la cite – Tata Ginette si tu m’écoutes –, peut changer son écran seule, elle a 83 ans. Il n’y a pas besoin d’une technicité accrue.
Et long term software support c’est mon boulot chez Fairphone. Typiquement c’est arriver en sorte de faire des upgrades Android, des mises à jour Android sur des téléphones qui sont vieux, donc même si vous n’avez plus le support de la puce, la puce est le cerveau du téléphone. La fabrication des puces, grosso modo dans le monde, est détenue par deux monopoles. On parle souvent des GAFAM mais pas beaucoup des monopoles des puces. Je connais bien le sujet, je pourrais vous en parler si ça vous intéresse, on a à peu près deux monopoles mondiaux, MediaTek et Qualcomm. Quand ces monopoles décident, sur une puce, d’arrêter le support, bien souvent ça correspond à la fin du support du fabricant de téléphones. Le fabricant de téléphones dit « ça s’arrête donc je m’arrête ». La problématique c’est ce qu’on appelle l’obsolescence logicielle. Grosso modo, ça veut dire que votre téléphone n‘est plus maintenu au niveau de la mise à jour logicielle, du coup il ne va plus avoir de mises à jour de sécurité, il va devenir obsolète, peut-être que votre application préférée ne va plus marcher sur votre téléphone, ou non préférée, comme les applications bancaires qui vont refuser de tourner sur un téléphone qui n’a pas de mises à jour de sécurité.
Donc ce qu’on a fait pour le Fairphone 2 en tant que modèle de longévité, un téléphone qu’on a sorti en 2015 et, il y a 15 jours, on a sorti Android 10, donc ça va porter le téléphone à un support à sept ans. On a fait ça grâce à l’open source. Sans open source on n’arriverait pas à détrôner les normes de l’industrie électronique qui consistent à maintenir un téléphone en moyenne deux ou trois ans. Exception pour Apple. Je ne suis pas fan d’Apple, mais on doit quand même avouer qu’ils ont un support logiciel plus long que la stack Android. On a fait ça grâce à l’open source, c’est-à-dire qu’en gros on publie notre code source, ce qui est relativement rare dans le paysage des fabricants de téléphones. La communauté, une grande communauté mondiale d’une version d’Android open source, complètement open source, qui s’appelle LineageOS, travaille de son côté et ensuite on collabore avec eux pour pouvoir faire ces fameuses mises à jour logicielles sur le long terme.
Par rapport à toute cette approche autour du Libre, etc., on a aussi récemment monté un collectif qui s’appelle FairTEC qui correspond, en fait, à essayer d’appliquer la logique du Libre sur tout ce qui touche à la chaîne d’utilisation d’un téléphone, donc pas qu’au téléphone lui-même mais aussi à son OS, à son système d’exploitation. Donc il y a /e/OS, un système basé sur LineageOS mais qui, en plus, « dégooglise » la stack Android, les trackers de Google qui font partie des projets.
Commown, super coopérative française, est coresponsable et essaye de promouvoir l’approche de location responsable, location équitable. C’est-à-dire qu’on ne va vous pousser à changer de téléphone tous les deux ans, mais, au contraire, grâce à Commown qui s’occupe des réparations, etc., vous pouvez, grâce à un service de location, avoir un téléphone qui dure vraiment dans le temps.
On a aussi TeleCoop qui est, pour celles et ceux qui ne connaissent pas, un opérateur téléphonique français alternatif. Grosso modo vous allez chez TeleCoop et vous n’avez pas je ne sais combien de gigas de data tous les mois, vous êtes facturé à la data. L’objectif est évidemment de vous entraîner à un rapport plus sobre sur votre consommation. Aujourd’hui, en Europe, il y a des TeleCoop un peu partout. Dans FairTEC on bosse aussi avec Wetell, Neibo, qui sont des opérateurs téléphonique alternatifs en Belgique et en Allemagne, Phone Co-op au UK, etc. Ça ça décrit un peu le projet. Tous ces gens-là, même TeleCoop, s’appuient sur des suites libres, sur des outils libres ou développent eux-mêmes des solutions libres.
L’intérêt d’avoir des stacks libres dans le monde du numérique au sens large, de l’accessibilité à Internet, etc., c’est aussi d’avoir aussi une certaine indépendance d’informations. Là on fera le lien avec la suite, mais c’est vrai que ce sont des choses qu’on voit moins chez nous mais qui sont quand même bonnes à rappeler. On parle souvent de colonialisme digital avec des suites comme Facebook. Je pense que vous êtes au courant, si ce n’est pas le cas je vais vous parler, de ce qui s’est passé en Inde ou en Birmanie. En gros, Facebook a proposé un accès à Internet gratuit via sa solution Free Basics en disant « on sait que vous galérez là-bas, en tant que sauveur on va vous donner une connexion Wifi gratuite mais via Facebook ». Donc, pour la plupart des gens sur place, Internet = Facebook.
Facebook a même avoué qu’il a été à l’origine du massacre des Rohingyas en Birmanie. La problématique de l’accessibilité à Internet via Facebook, vous connaissez le truc autant que moi j’imagine, c’est que vous faites face aux fake news ; les Rohingyas étant une population musulmane, énormément de fake news sont passées sur les Musulmans et très peu de modération, je peux vous parler aussi de ça longuement. La modération dans les langues notamment indienne, birmane, ça n’existe pas. Facebook, Google, ne payent pas, ou très peu, des modérateurs qui vont traduire des informations en indien. C’est même vrai pour la France d’ailleurs, le nombre de modérateurs est quand même bien moindre proportionnellement, ça aussi c’est un vrai problème. Donc l’avantage d’une stack alternative libre, un peu comme ce qu’on vous a présenté avec FairTEC, c’est d’éviter cette problématique en termes d’accès à l’information.
Je laisse la parole à Isabelle.
Le Libre pour des projets plus durables et responsables
Isabelle Huynh : Nickel. Parfait pour ce premier exemple assez complet, on va essayer d’aller encore un petit peu plus loin. L’idée, à chaque fois dans cette conférence, c’est de vous montrer vraiment toujours un peu plus d’impacts et ce qui est super intéressant d’apprendre, chez Fairphone, c’est déjà ce changement de mentalité. L’idée de se dire que le but n’est pas de vendre le plus de téléphones, mais c’est plus faire en sorte que le problème qu’on essaye de régler soit réglé. C’est vraiment ce que le Libre permet comme décalage, c’est de se dire « ce n’est pas à nous de forcément être les plus gros et de régler le problème. Le but c’est comment fait-on pour que ce problème soit réglé par nous, par d’autres, peut-être après nous une fois qu’on aura disparu ? ». C’est vraiment ce qui anime beaucoup des projets que je vais vous partager.
On va déjà partir en Colombie, histoire de sortir de la neige, de la pluie de ce matin. Je vous emmène en Colombie. C’est un projet que j’avais rencontré là-bas.
Quand on parle de Libre en hardware – je suis ingénieur mécanique, forcément j’ai mon biais, personne n’est parfait –, un projet revient très souvent, le projet des prothèses. Par exemple là on était dans le cas d’un fab lab qui proposait des prothèses pour des enfants ou pour des adultes soit amputés de naissance, soit qui avaient des dégâts suite aux conflits armés là-bas.
Plusieurs apprentissages intéressants. Il faut savoir que c’est une prothèse qui est faite en imprimante 3D, pour ceux qui ne sont pas très habitués de ces technos.
Premier apprentissage. Forcément au début ça commence comme une fondation assez classique dans le sens où on récupère de l’argent dans des pays riches, on fabrique des objets et on les donne à des populations vulnérables. Format assez classique, sauf que, si jamais vous poussez un petit peu le projet, vous imaginez, donner des prothèses à des enfants de six/huit/dix ans, concrètement ça dure deux mois, trois mois. Ils vont la casser, ils vont grandir, tout simplement, ils vont vouloir changer de motif et des choses comme ça. Du coup le projet a pivoté, petit à petit, pour être plus sur une philosophie et dire que le but c’est plus d’apprendre à ces personnes à fabriquer des prothèses, à devenir autonomes par rapport à ça. C’est à partir de là qu’on a commencé à voir apparaître des prothèses Iron Man, La Reine des neiges que vous voyez au milieu, on était en fond dans La Reine des neiges quand je suis passée les voir, La Reine des neiges, etc., avec toujours cette philosophie de se dire « nous en tant qu’ingénieurs, fabricants, concepteurs, plutôt que donner cette technologie, comment fait-on pour que ces personnes montent en compétences pour pouvoir le faire ? »
Ce qui fait que quand vous allez là-bas, à la fondation, vous voyez des enfants de huit ans en train de faire de la CAO, d’être sur SOLIDWORKS, d’aller partager leurs modèles ; sur Thingiverse vous pouvez, par exemple, retrouver cette prothèse La Reine des neiges qui a été designée par une jeune fille sur place, toujours avec cette philosophie : vous prenez un travail qui a été développé par quelqu’un d’autre, vous essayez de l’améliorer et vous contribuez en mettant votre version. C’est vraiment ça qu’on essaye d’amener.
Qu’est-ce qui est intéressant aussi ? Finalement le fait d’avoir le sujet des prothèses qui est un sujet très libre, très open source, ça permet de faire plein de collaborations. Par exemple, après être allée voir ce projet je prends le téléphone, j’appelle une de mes anciennes professeurs à l’INSA et je lui dis « il y a un super projet. ne pourrait-om pas faire travailler un groupe d’élèves là-dessus ? ». À la rentrée d’après, septembre, une trentaine, 35 élèves de génie mécanique de l’INSA, a travaillé sur une autre version de la prothèse. Du coup on a pu travailler avec les équipes de Colombie qui travaillaient justement sur une prothèse à la fois de jambe et sur une prothèse électro-mécanique et ça pu continuer comme ça.
Ça vient de la fondation, mais c’est fait par énormément d’acteurs. C’est fait par My Human Kit, que vous devez peut-être connaître, qui est à Rennes, qui était vraiment l’initiateur des premières prothèses en imprimante 3D, qui a aidé le fab lab de Berlin a contribuer, et c’est plein d’acteurs comme ça. Vous avez aussi e-Nable qui est basé sur ces types de prothèses en open source.
Donc voilà un premier exemple de projet qui montre à quel point le Libre peut être un peu un levier autour de plus d’impacts.
Autre projet, un peu plus bricolage et un peu plus fun, c’est Jerry Do it Together. On reste un peu dans le sujet du numérique avec une question simple : comment pourrait-on faire pour faire un PC le plus accessible, qui soit basé sur des matériaux de récupération et qui puisse répondre à des besoins des fois assez simples ? Est sortie l’idée d’utiliser les jerricans, les jerricans qu’on connaît pour mettre l’essence, en se disant qu’on n’a pas besoin d’une carcasse de PC toute clinquante avec des petites leds et un petit motif sur le côté. On peut tout simplement faire ça avec un jerrican, des petites cartes, un peu d’Arduino, et arriver à avoir un petit PC de fortune.
Qu’est-ce qui est intéressant ? Au début on se dit que c’est fun mais est-ce que ça sert vraiment ? Eh bien oui ! Ça sert. Forcément c’est toujours un peu plus évident dans des pays plus défavorisés. Ça a permis, par exemple au Togo, d’installer un petit service avec OpenStreetMap, en plus on fait le combo avec des logiciels qui sont aussi libres ; ça a permis de faire un service de paiement par SMS dans une autre région africaine. Je parlais avec Romain Chanut qui est le fondateur de Jerry Do it Together, il me disait « l’année dernière j’ai reçu un mail d’un professeur de techno qui avait vu le projet Jerry Do it Togewther et ça fait des années qu’il crée, dans son coin, plein de Jerry avec ses classes. Chaque année ils font quatre/cinq PC comme ça. Il apprend à ses élèves à fabriquer, à monter le PC et à faire des petits centres. Ça peut être des centres Wikipédia, puisque Wikipédia n’est pas très lourd, finalement tout Wikipédia tient sur ou deux cédéroms. Donc avoir un petit centre pour mettre Wikipédia, avoir un petit espace pour projeter des vidéos, des petites choses comme ça ». Je trouve ça aussi vraiment intéressant avec le Libre, ce côté vous mettez ça, vous offrez ça au monde et il y a un total lâcher prise. Vous ne savez pas comment ça va fleurir, se reproduire et, plus tard, vous voyez votre projet avancer derrière. Ce côté-là est quand même fantastique.
Un autre exemple qui a aussi eu pas mal de réplications : Precious Plastic, peut-être que vous le connaissez. Qui connaît Precious Plastic, qui l’a déjà vu ? Quelque-uns. L‘idée est de Dave Hakkens, c’était aussi lui qui était derrière Phonebloks, si vous êtes plus sur le numérique. Phonebloks c’est l’idée du téléphone modulaire. Avec l’argent qu’il a eu avec Phonebloks, il lance Precious Plastic avec l’ambition de se dire que le plastique, dans l’absolu, est une matière recyclable. Je coupe le fait qu’on a un petit peu de pertes en termes de qualités mécaniques, mais, dans l’absolu, certains plastiques sont recyclables, on peut les faire fondre, on peut les remodeler, les réutiliser pour faire quelque chose.
Avec une petite équipe, il monte des plans pour faire quatre machines : un broyeur pour obtenir des copeaux de plastique, de quoi faire fondre tout ça. Là on voit l’extrudeuse qui permet de faire du filament ; vous avez aussi une presse pour faire des pièces moulées et aussi une machine pour faire des grandes plaques qui servent, par exemple, pour faire du sol ou de l’habillage de mobilier.
Pourquoi je parle quasiment tout le temps de Precious Plastic à chaque fois que je parle de Libre en objets tangibles ? C’est que c’est un projet qui a été fait très intelligemment dans le sens où il a été très bien documenté, il a aussi été très bien communiqué. Vous pouvez taper Precious Plastic, vous verrez sur YouTube des millions de vues de la vidéo qui explique comment faire une Precious Plastic. C’est très vulgarisé, c’est-à-dire qu’un nombre fou de personnes m’ont contactée en disant « j’ai vu la vidéo de Precious Plastic, je ne suis pas forcément ingénieur technicien, mais je me dis que c’est faisable. Est-ce qu’on n’en ferait pas une sur Lyon dans tel fab lab, à La Myne ou dans d’autres lieux ? » Il y avait vraiment ce côté de se dire c’est technique mais finalement ça a l’air accessible, c’est bien documenté. Quand vous allez voir les fichiers, vous vous rendez compte que ce sont des fichiers qui sont exportés dans plusieurs formats, parce que, selon le logiciel de CAO que vous pouvez utiliser vous pourrez l’avoir. Ça a été traduit en plusieurs langues. Au début on avait la base anglais/français/espagnol, mais depuis on a quasiment une vingtaine, si ce n’est une trentaine de langues de traduction pour le rendre accessible au plus grand nombre.
Qu’est-ce que ça donne quand on fait un projet libre, comme ça, qui est bien documenté ? Ça donne près de 500 machines à travers le monde, petits lieux de recyclage de plastique. Pour vous dire, je suis passée au Cambodge j’en ai croisés deux, au Vietnam j’en ai vus, en Colombie il y en avait pas mal ; ceux qui faisaient les prothèses étaient en train de travailler avec les recicladores qui sont ceux qui s’occupent des déchets dans la ville pour justement les équiper en Precious Plastic, pouvoir récupérer du plastique, le faire fondre et le réutiliser dans des prothèses.
C’est ce type de collaboration qui est assez intéressant.
Du coup ça crée aussi de l’entraide assez internationale. Par exemple, quand vous voyez le broyeur, vous avez des lames acérées. Dave Hakkens, très sympa, vous dit « il suffit d’aller voir une découpe plasma, de découper ça dans un atelier et hop !, c’est réglé ». Autant vous dire qu’au Cambodge, au Brésil ou en Colombie, avoir accès à une découpeuse plasma ce n’est quand même pas si facile. Du coup ils ont créé différentes alternatives selon les régions du monde, selon les savoir-faire qui étaient disponibles. Par exemple c’est beaucoup plus facile d’avoir accès à des artisans qui vont vous aider à faire des petits travaux dans ces pays. Vous sortez dans la rue vous avez vraiment accès à énormément de petits artisans qui peuvent vous aider.
De la même façon, énormément d’écoles sont sur ces projets. En France, vous avez vu, il y a un gros 125 autour de la région française, on adore beaucoup ce projet. Il y en a une à l’INSA Lyon, il y en a aussi à une école de Rennes, à l’UTT [Université de Technologie de Troyes] ils ont en fait une, à l’EN3S [École Nationale Supérieure de Sécurité Sociale] de Grenoble aussi. C’est vraiment un projet qui fédère pas mal d’écoles.
Il faut aussi se dire – ce n’est pas moi qui le dis, ce sont mes collègues qui m’ont fait ce retour – je vous parlais du projet prothèse, ma collègue de génie mécanique m’a dit : « Ça fait 20 ans que je fais des projets de conception méca – chaque année elle lance des projets – je n’ai jamais eu des étudiants aussi motivés sur un projet. Ils se disaient « en fait, pour une fois on a l’impression de contribuer à quelque chose. On voit directement les bénéficiaires et finalement pour l’ego c’est quand même pas mal de se dire que le travail qu’on a réalisé ensemble on le remet sur la plateforme, c’est partagé, on voit que c‘est téléchargé par d’autres personnes » ; c’est quand même assez gratifiant auprès des étudiants. » Donc ce critère de motivation n’est vraiment pas à négliger en termes de projet éducatif qu’on pourrait avoir.
Un dernier exemple qui va peut-être parler à certains si vous êtes impliqués là-dessus. Je trouve toujours intéressant de parler de cette anecdote. On ressort quand même de crise sanitaire – on ressort, espérons ! Si on se souvient de mars il y a un an/deux ans, il y avait une grosse problématique de se dire en fait on a du personnel soignant, on a des commerçants qui ne sont pas du tout équipés en termes de matériel, crise, urgence on n’a pas le matériel nécessaire.
Il faut savoir que quand même que sur nos territoires, que ce soit à Lyon et en Auvergne-Rhône-Alpes mais aussi dans toute la France, il y a eu une vraie mobilisation que ça soit de profils makers, bidouilleurs, de citoyens, mais aussi de pas mal d’écoles, du corps enseignant, qui se sont dit comment peut-on contribuer à cette question ? Un projet qui a énormément fédéré c’est le projet des visières. Pourquoi ? Parce que c’est quand même plus facile de faire une visière que de faire un respirateur à oxygène. L’idée c’était d’avoir un sujet qui est un peu technique, mais pas trop, pour que quand même chacun puisse s’en emparer. Un collectif s’est monté, un petit peu hors sol. Il y avait énormément de modèles libres qui circulaient sur Internet, énormément de partage d’informations pour dire, par exemple, quel plastique on peut utiliser, dans un contexte hospitalier on ne sait pas forcément quel plastique utiliser, quels modèles conviennent. Est-ce que ça répond à des normes sanitaires, des normes d’hygiène ? Etc. Ça a demandé une accélération d’échanges qui était quand même assez dingue. Donc des modèles circulent, des collectifs se montent. Sur la région ce n’est pas mal le Collectif Visière Solidaire région Rhône-Alpes. Dans ce collectif vous retrouvez ce mélange entre des citoyens, des makers, des professeurs, des étudiants. Des étudiants nous ont contacté, à l’INSA, et nous ont dit : « Je sais qu’on a des imprimantes 3D, j‘ai vu sur Internet qu’on pouvait faire des choses. Il y a des youtubeurs qui parlent d’impression de visières, est-ce qu’on pourrait contribuer ? » On a fait sortir toutes les machines de l’INSA. J’en avais deux qui tournaient dans mon salon. Les collègues, pareil, c’était parti un peu partout. Il y en avait chez des étudiants, quelques étudiants étaient mobilisés et faisaient tourner les imprimantes 3D qui fabriquaient ces modèles.
Il faut se dire que ce collectif citoyens, enseignants, étudiants a créé près de 80 000 visières en un premier temps très rapide. À côté de ça j’étais aussi aux réunions avec La Ruche industrielle qui est un des collectifs d’industriels de la région. Ils étaient en train de dire « on attend les validations, on attend d’avoir la permission de la direction pour pouvoir, peut-être, lancer un groupe de travail sur ça », et je leur disais « en fait les citoyens sont déjà en train d’en faire 80 000, ils vont équiper une partie des H et L, ils vont répondre à tel cabinet d’infirmières et on vous attend ! ». Un mois après c’était réglé, les industriels avaient lancé les moules d’injection plastique et la suite a pris, il n’y a pas de souci.
Ce qui est vraiment intéressant avec le Libre c’est comment d’un coup des citoyens, d’un coup des étudiants, des enseignants arrivent à prendre part à ces sujets.
Peut-être que tu vas faire un petit topo sur la communauté à Fairphone ?
Agnès Crepet : Je parlais de l’open source sur le système d’exploitation, mais au-delà de ça, en fait Fairphone n’existerait pas sans la communauté des utilisatrices/utilisateurs. Cet esprit du Libre était vraiment très présent dès le départ.
Il faut aussi savoir que les premiers téléphones étaient quand même à un niveau technique pas forcément très bon, notamment le premier téléphone un peu modulaire, etc. Énormément de personnes ont investi des repair cafés, etc. Ces personnes-là permettaient aux personnes qui utilisaient les premiers Fairphone d’apprendre à mieux les réparer, à mieux les utiliser. Cet esprit vraiment extrêmement présent de la communauté dans le Libre, dans la philosophie du Libre, est à l’origine de Fairphone. Je le répète et je ne me lasse pas de le répéter, sans ça Fairphone n’existerait pas. Le crowdfunding c’est un peu pareil. Sur le papier personne n’avait vu un proto de ce fameux Fairphone et 50 000 personnes ont donné un billet pour ce projet. Ce sont vraiment ces gens-là qui ont permis au projet d’exister.
Isabelle Huynh : Du coup, une des questions dont on s’est dit, avec Agnès, qu’il était intéressant de vous poser : finalement comment a-t-on envie d’inspirer les étudiants qu‘on a ?
Je me souviens, quand j’étais en école d’ingénieur, c’était ce type de modèle
Agnès Crepet : Oui, tout à fait.
Isabelle Huynh : On a plus besoin de personnes qui savent travailler ensemble que de génies individuels.
Agnès Crepet : Et si on fait le lien avec la journée d’aujourd’hui, le Libre éducatif, quelque part la posture de l’enseignant ou de l’enseignante ça peut être aussi de véhiculer cette image [Des groupes de personnes, NdT] plutôt à droite, à droite de la photo. [Rires]. Je le pense. Je n’ai pas dit en introduction que j’ai enseigné trois ans aux Mines dans une école d’ingénieur aussi, je me prenais la tête avec mes collègues parce que Elon Musk était tout le temps le modèle qui était brandi, je n’en pouvais plus d’Elon Musk ! Les élèves étaient évidemment fans d’Elon Musk, mais quand même ! Sur les dernières années, j’ai enseigné entre 2015 et 2018, je voyais justement des modèles inspirationnels qui changeaient un peu, je n’étais pas la seule à véhiculer ce truc-là et avec des élèves, comme tu l’as cité Isabelle avec ton exemple des élèves de l’INSA, qui disaient « ah oui, le faire ensemble est aussi vachement important ! ». Toutes les deux nous sommes ingénieures, quand on est ingénieur on fait rarement un truc seul. Ça n‘existe pas ! Elon Musk n’est pas un fake mais presque ! En fait, ce n’est pas possible de faire Tesla seul, quoi qu’on pense de Tesla.
Je pense qu’en tant qu’enseignant il y a aussi cette idée, ce stéréotype à casser, j’irai aussi plus loin, ce stéréotype de l’innovation. C’est quoi l’innovation en fait ? Est-ce que l’innovation c’est de la pure innovation technique ou est-ce que c’est de l’innovation justement sur le faire ensemble, sur des projets à impacts sociétaux et environnementaux ? Etc. Il y a vraiment cette volonté de pouvoir changer le modèle et je pense que le premier rôle que vous pouvez avoir c’est justement sur le fait de casser ces stéréotypes.
Isabelle Huynh : Et petit secret, ça enlève aussi énormément la pression sur les étudiants. Vous montrez une photo d’Elon Musk et vous montrez celle qui est en haut à droite [De nombreux jeunes dans diverses situations, NdT] et vous dites « où est-ce que vous vous reconnaissez ? ». Vous demandez ça à vos étudiants tout simplement. Quasiment personne ne sera capable de se reconnaître en Elon Musk, sauf un ou deux, on en a toujours un ou deux assez imbus de leur personne dans les classes. Par contre, à côté, il y en a qui vont se reconnaître sur la photo, qui vont dire « je me reconnais sur le mec qui est en skate. Moi je serai plutôt le fabricant, le bricolo. Moi je ferai de la documentation ». Et ça soulage énormément les étudiants de se dire « là j’ai peut-être une place à jouer, là je me reconnais, je me dis qu’en effet je ne serai pas Elon Musk, par contre il y a plein de trucs auxquels je peux contribuer ». Rien que ça, en termes de mental pour les étudiants, je trouve que c’est assez positif.
Agnès Crepet : Je crois qu’il nous reste dix minutes.
Le Libre, un terreau pour la démarche low-tech
Isabelle Huynh : Nickel. Dix minutes pour vous rajouter une autre dimension qui est celle de la low-tech, parce qu’il faut voir aussi que, finalement, le Libre est un parfait terreau pour la démarche low-tech.
C’est un peu une blague dans les communautés low-tech : qu’est-ce que la low-tech ? C’est un peu ce qu’on va voir ensemble.
La low-tech, comme on le disait, combat un certain imaginaire, on va dire cet imaginaire de l’innovation très Silicon Valley, plus de technologie, la technologie salvatrice. Il y a déjà un imaginaire qu’on remet un petit en question avec la low-tech.
Pour vous simplifier l’approche de la low-tech, si c’est quelque chose auquel vous n’êtes pas très familier, je vous invite à ne pas vous dire « ça c’est une low-tech », mais à avoir en tête, à plus vous dire « qu’est-ce qu’une démarche low-tech ? ». C’est vraiment la meilleure approche qu’on pourrait avoir de la low-tech, se dire « qu’est-ce qu’une démarche low-tech, quelles seraient les questions qu’il faudrait se poser ? »
Une première question par rapport à la durabilité forte, c’est est-ce que c’est réellement le plus soutenable possible d’un point de vue écologique, d’un point de vue humain aussi ? C’est ce qu’on disait : est-ce qu’on peut faire un téléphone soutenable ? Est-ce qu’on peut faire quelque chose qui a une utilisation de ses ressources qui va être optimisée, raisonnée, qui permet à ce que ses ressources soit se renouvellent soit restent dans une quantité qui est OK. Et surtout qui est aussi fait de façon juste socialement. C’est ce qu’on entend par cette question de durabilité forte. Cette question s’adapte à tout produit, toute question, tout service, logiciel.
Le deuxième aspect c’est la résilience collective. Est-ce que ça nous rend plus résilients, autonomes, agiles ? Depuis le conflit en Ukraine il y a un regain pour ces notions de résilience qui arrive ; avant c’était un mot qui faisait assez peur à certains. Là on comprend de plus en plus ce dont on parle. Quand on parle de résilience alimentaire, par exemple, on se rend compte que oui, ça peut être une question à laquelle on est confrontés. Quand on parle de résilience face une crise sanitaire, pareil, d’un coup on arrive beaucoup plus à conscientiser ce dont on parle. C’est ça le deuxième grand item, c’est de se demander si ça nous rend plus résilients, plus autonomes, plus agiles. Ce qu‘on entend aussi par autonomes c’est ce qu’on disait, par exemple, avec le sujet des prothèses, c’est est-ce que ça aide tout citoyen à prendre en main sa technologie, les produits qu’il utilise, les services qu’il consomme ? Etc. Et justement plutôt passer d’une position de consommateur à acteur.
Et enfin, la question qu’il faudrait même mettre en numéro 1, c’est : est-ce utile ? Est-ce que ça le vaut ? Est-ce qu’on en a vraiment besoin ? Un bulldozer qui rase l’Amazonie, vous pouvez le faire low-tech, ça restera un bulldozer qui rase l’Amazonie. Pareil, vous pouvez le faire à l’énergie verte, ça restera un bulldozer qui rase l’Amazonie ! Donc première question d’entrée c’est de se dire est-ce que c’est utile ? Est-ce que ça le vaut ?
Il y a un petit exemple qui parle pas mal, je trouve, j’aime bien parler des composteurs de quartier quand je parle de low-tech, parce que, finalement, c’est l’exemple tout bête mais qui répond un peu à ces critères : utilité, vous êtes là pour gérer vos biodéchets ; résilience collective : énormément de personnes qui sont impliquées dans des composteurs de quartier vont vous dire « en fait c’est une de mes seules ou première expérience de bénévolat, si on veut, ou d’action associative, d’action de faire ensemble, faire ensemble avec mon quartier, etc. » Je me souviens par exemple si vous allez à des permanences quand il fait froid vous avez quelqu’un qui apporte du thé, du café, qui apporte des biscuits, tout ça crée quand même un peu plus de lien social ; et enfin de durabilité forte, très peu d’utilisation de ressources, on est sur quelques planches de bois, qu’on soit d’accord, et pareil pas d’apport d’énergie supplémentaire que ça soit électrique ou autre. C’est quand même un modèle qui est assez intéressant d’un point de vue low-tech. Gardez le compost de quartier si jamais, des fois, vous voulez des exemples de low-tech en bas de chez vous.
Agnès Crepet : Si je fais pareil avec le Libre éducatif, je caricature un peu, mais en gros cet après-midi vous allez en voir plein, même ce matin je ne sais plus, par défaut la plupart des solutions libres dans le monde de l’éducation répondent plus ou moins à ces critères, versus les Edtech où c’est l’inverse – je caricature aussi un peu mais volontairement –, le besoin existe, mais on va plutôt essayer de se greffer sur un besoin potentiel pour sortir une solution technique, mais est-ce que c’est utile ? C’est ça la vraie question, est-ce que c’est utile ? Je suis très fière d’être aujourd’hui à cette journée du Libre éducatif parce que justement la démarche low-tech, le Libre part vraiment du besoin et questionne l’utilité. Dans le modèle, on est vraiment sur une démarche qui, à mon sens, est très intéressante.
Isabelle Huynh : Il y a une citation que j’aime beaucoup, je sais que tu l’aimes bien aussi, c’est Technology is the answer but what was the question ?, de Cedric Price que vous connaissez peut-être. J’adore poser cette question aux industriels, c’est toujours fantastique, dire « à quoi sert ce produit ? Pourquoi cette technologie ? ». Et plein de fois les personnes ne savent pas répondre. C’est toujours une bonne porte d’entrée.
Un dernier exemple un peu plus folklo, les machines agricoles.
On parlait résilience alimentaire tout à l’heure. Petit exemple qui n’est pas très loin en Rhône-Alpes, direction Grenoble si vous voulez y aller, L’Atelier Paysan. Ils ont posé une simple question : est-ce qu’on ne pourrait pas aider les paysans à être autonomes au niveau de leurs machines, au niveau de leurs équipements.
Deux problématiques à ça.
La première c’est que, à l’heure actuelle, ça coûte une fortune d’être paysan et de s’équiper. Si vous êtes quelqu’un qui démarre, entre l’achat de votre terrain, de votre équipement, de tout ce qu’il faut, il faut compter 800 000 euros, on est dans cet ordre de grandeur, avec l’équipement machine qui est quand même pour une bonne part. Premier point, ça coûte quand même assez cher.
Deuxième point. Si vous faites une agriculture qui est un petit peu alternative, plus raisonnée, qui suit d’autres préceptes que ceux de l’agriculture intensive, vous n’avez pas les machines à l’heure actuelle pour vous équiper. Ça veut dire que les industriels fonctionnent plutôt pour une agriculture très optimisée, de façon industrielle, plutôt avec un fonctionnement de gestionnaire qu’un fonctionnement de paysan. Par exemple des viticulteurs, vers Bordeaux, voulaient travailler en biodynamie. Il y a un espacement à suivre entre les pieds de vigne pour pouvoir faire de la biodynamie, à l’heure actuelle les machines ne passent pas sur cet écartement. Donc tout simplement ils ont des difficultés à le faire, ils sont obligés de le faire à la main, par exemple.
D’où le fait d’avoir créé L’Atelier Paysan avec cette réflexion de se dire comment on se réapproprie les machines agricoles ? Ils font des plans de machines qui sont plutôt simples dans le sens où c’est fabriqué par du mécano soudé, une technique de fabrication qui est quand même assez accessible après un peu de formation, de la scie, de la découpe de bois, du mécano soudé, des matériaux qui se trouvent facilement un peu partout sur le territoire. Ils ont créé énormément de machines pour aider à chaque fois les paysans à devenir autonomes à ça et aussi à payer beaucoup moins cher les réparations. À l’heure actuelle vous achetez un tracteur John Deere ou autre qui coûte déjà une fortune, tout ce qui est maintenance, l’amener au garage, coûte encore plus cher vu que vous n’avez pas la main. Je fais toujours le parallèle avec les voitures qu’on a de nos jours. Vous êtes peut-être déjà tombé en panne d’essence avec Renault, vous êtes obligé de ramener votre voiture à un garage pour pouvoir réinitialiser les codes valises, etc., parce que même si vous mettez de l’essence ça ne marche pas forcément selon certains modèles de Renault.
C’est ça aussi l’idée de l’open source et du Libre, reprendre quand même un peu la main sur les produits qu’on a.
Donc tout ça, forcément, est fait en open source, partagé en Creative Commons, avec une idée simple aussi c’est de se dire soit les personnes identifient un besoin auxquels les plans de L’Atelier Paysan pourront répondre et, dans ce cas-là, qu’ils en profitent, qu’ils utilisent les plans, qu’ils fabriquent dans leur coin, ça aura répondu à la grande question, l’enjeu de comment aider les paysans. Si jamais ils ne savent pas le faire tout seuls, ils ont les plans, mais ils ne savent pas le faire tout seuls, qu’ils viennent en formation à L’Atelier Paysan. La principale source d’entrée de L’Atelier Paysan c’est de la formation, c’est du partage de connaissances et un petit peu de vente de pièces détachées, mais ce n’est pas de la vente de machines clefs en main. Le but c’est vraiment de faire monter en compétences les personnes sur ça.
Un petit pas qui peut peut-être vous intéresser si jamais ces questions de Libre et de low-tech peuvent vous parler. Une plateforme a été mise en place par un thésard et il y a un labo à l’EN3S qui s’appelle la Communauté Low-Tech Recherche et Enseignement, donc LowTRE, je ne sais jamais comment ça se prononce. Premier petit pas. Vous pouvez toujours aller vous mettre sur la plateforme, faire votre présentation. Vous verrez qu’il y a déjà énormément de contenus parce que ça soit la philosophie low-tech, ça suit la philosophie libre, c’est très diy away comme site, mais ça permet de partager des connaissances.
Enfin, ce qu’on avait en gros vraiment envie de vous partager avec Agnès c’est de se dire pourquoi est-ce qu’on parle de Libre ? Pourquoi est-ce qu’on parle de low-tech ? C’est toujours dans cette philosophie de est-ce que ça va vers une société que nous considérons souhaitable ? Est-ce que ça nourrit des enjeux que nous considérons importants ? Les enjeux qui vont tourner autour de ces thématiques sont des enjeux d’autonomie, des enjeux de transparence, des enjeux de liberté, des enjeux qu’on peut considérer clairement fondamentaux. Ce qui est important à voir, que ce soit en termes de conception, que ce soit en termes de méthode d’enseignement, d’outils qu’on utilise, tout ça dit quelque chose de ce qu’on veut faire en termes de société, ça amène la société dans un sens, dans un autre, et ce n’est pas anodin. Les outils, les produits, les services ne sont jamais anodins dans le sens vers lequel ils tirent la société.
Le Libre et la low-tech amènent pas mal dans ces enjeux, mais, après, on a plein d’enjeux sur lesquels on peut réfléchir et contribuer. C’est vraiment le recul pour se dire vers quoi amènent nos enseignements ? Est-ce que ça produit la société qu’on souhaite ? En tout cas c’était la question avec laquelle on souhaitait vous laisser pour cette belle journée.
Merci à vous.
Agnès Crepet : On vous remercie.
[Applaudissements]
Sources
- Vidéo : Instance PeerTube de l'académie de Lyon - Licence Creative Commons By-Sa
- Transcription par l'April sur Libre à Lire - Licence Verbatim
- Slides de la présentation sur l'instance Nextcloud de Apps - Licence Creative Commons By-Sa
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